Voir aussi : Les peurs, Les joies, Oser, Le cinéma
Les textes de cette page sont tous extraits du livre "Questions autour de l'homme réel" de François Ader
Les textes de cette page sont tous extraits du livre "Questions autour de l'homme réel" de François Ader
Le père François Ader adorait le cinéma.
Il n’est pas
étonnant que son livre soit parsemé de références cinématographiques.
Les voici
rassemblées.
« Les Plouffe » de Giles Carle
C'est l'histoire d'une famille québécoise. Après avoir évoqué le sort de l'un des enfants qui, recruté pour combattre en 1944, aura là sa chance – « Loin de la Mère castratrice, du Québec, et du curé de la paroisse, en Europe et face aux Allemands, il deviendra peut-être un homme » –
« Préparez vos mouchoirs » de Bertrand Blier
Une jeune femme, avec ses deux amis, se retrouve dans une colonie de vacances. Il y a là, dans un groupe de tout jeunes adolescents, une « tête de turc » que ses camarades n'épargnent pas et dont la tristesse, et l'intelligence, attirent l'attention. La jeune femme, un soir, comme elle le ferait d'un petit gosse apeuré, le fait coucher dans son lit. Mais le « petit gosse » a treize ans, il se sent grand déjà, et puis, comme il le dira, « il n'est pas de bois »…
« La ligne générale », de Sergueï Eisenstein
Mais ce n'est pas absurde, pour une Église, même si la tâche apparaît gigantesque, de souhaiter que ces temps différents – bien plus mêlés en elle que ne le peuvent être des lieux – en viennent à se parler, à se reconnaître et à s'admettre. Mais c'est autre chose, cela, que de s'entendre sur des textes ou sur une « ligne ». « La ligne générale », selon le titre du fameux film soviétique, d'Eisenstein je crois.
« The Servant », de Joseph Losey
Ce n'est pas non plus, j'y pense seulement maintenant, qu'il y ait dans ce rêve le mot de « servant », lequel me fait songer bien sûr au film de Losey, « The Servant », et à cette histoire saisissante d'esclavage d'un homme, le maître pourtant, qui subit l'envoûtement de son « domestique », et cela dans un contexte de bisexualité qu'il m'est arrivé d'évoquer dans mon analyse comme la limite extrême d'un seuil que j'aurais pu franchir, et que je n'ai pas atteint.
« le Fils du désert
» de
John Ford
Puis je demandai pour commencer qui avait vu, la veille, à la télévision, le western de John Ford, « le Fils du désert », et ce qu'on en avait retenu. Cette parabole de Noël, en effet, met en parallèle trois naissances, celle d'un petit enfant, celle de Jésus, et puis celle de bandits en qui l'homme, l’« humain », peu à peu, va naître, grâce au nouveau-né qu'ils ont recueilli… « C'est nous, ce soir, qui sommes importants », ai-je alors dit après que plusieurs aient parlé du film.
« Une journée particulière » d’Ettore Scola
Et je pense, en usant de cet adjectif, au beau film d'Ettore Scola, « Une journée particulière », et à ce qu'il signifie…
« Holocauste » Téléfilm en quatre épisodes de Marvin J. Chomsky
À cause de son thème. Les émissions d’« Holocauste » sur les camps du Nazisme, il y a maintenant trois ans, m'avaient beaucoup frappé, et particulièrement ce phénomène irrationnel, déterminant pour le développement de l'horreur, qu'avait été la soumission, l'obéissance, le consentement au despote de presque tout un peuple.
« La passante du Sans souci ».de Jacques Rouffio
Cette angoisse-là, qui ressurgit par phases, qui est en son fond refus d'existence, je la sais meurtrière, et je l'ai sentie m'envahir avant-hier soir après que j'aie vu, avec plus que de l'intérêt, le film de Jacques Rouffio, « La passante du Sans souci ». J'avais très envie de le voir, ce film. À cause de son thème. Quand s'est achevée la projection de ce film – que je n'ai pas trouvé « glacé », comme l'ont dit certains critiques, mais pudique, et d'une retenue qui fait mieux sentir la détresse de tous ces êtres en face des déchirements de la vie – je me suis demandé comment « j'osais », moi, parler de mes quelques détresses, et les étaler sans discrétion… Eh bien oui, j'ose. Mon entreprise, ici, n'aurait pas de sens si je n'avais pas le courage de cette impudeur.
« Psychose », de Alfred Hitchcock
Que ma chère mère, à qui je dois tant, tant, veuille bien me pardonner si parfois je lui en veux d'avoir tant et tant « désiré » pour moi, en mes lieu et place, de ce désir dont l'Église disait aux mères, à l'époque, qu'il portait au zénith leur maternité. Dans les heures arides de ces derniers jours, je me suis rappelé « Psychose », ce chef d'œuvre d’Hitchcock, et sa dernière image. Le fils dans sa cellule, que l'on sent emmuré dans sa confusion délirante, et dont on se demande alors s'il a quelque chance, un jour, de se savoir lui, ou s'il est à jamais cette mère à laquelle il s'identifiait de l'intérieur bien plus encore qu'il n'en revêtait les vêtements.
« Elephant man » de David Lynch
Nous avons vu sur les murs, l'année dernière, une affiche énigmatique. Celle qui annonçait le film « Elephant man ». L'image et le titre se conjuguaient pour la rendre même rebutante. Cette vision d'abord d'une chose difforme, avec un voile en guise de visage, et ce trou à hauteur d'œil, et puis ces mots d’« homme éléphant », lourds d'évocations anomaliques, de suggestion tragique. « Je ne suis pas un animal, je suis un être humain », disait l'affiche en plus petits caractères. C'était de fait, à partir d'un fait divers du siècle passé, l'histoire de ce qu'on appelait alors, dans le sens originel du terme, un « monstre » : celle d'un homme difforme exploité comme attraction dans les foires et dont un chirurgien, après avoir réduit quelque peu son anomalie, s'était attaché à faire surgir l'humanité, voilée, défigurée, mais toujours présente, et même intacte.
Ce film m'a profondément ému, et surtout une des dernières scènes. L'ancien « phénomène », dans sa chambre, achève de se vêtir pour aller au théâtre en compagnie de ce chirurgien. Il se met un fin mouchoir à la poche du veston. Un peu de parfum. S'il n'y avait son regard, son visage ferait encore peur. Mais il y a tant de douceur dans ses yeux, ombrageux autrefois, tant de bonheur à penser qu'il est maintenant « comme les autres », enfin presque, et qu'il va, lui aussi, « comme les autres », se rendre au théâtre. Entre le chirurgien qui vient le chercher… La scène alors est poignante. « Mon cher ami », lui dit seulement l'homme. Mais sur un ton de confiance égalitaire où perce, à travers l'émotion profonde, la gratitude de pouvoir n'être plus seulement un homme, mais de se sentir tel, effectivement tel : un « humain » parmi les humains.
« L’Arnaque » de George Roy Hill
Cette image me remet en mémoire cette scène de « l'Arnaque »,
ce merveilleux film de l'aisance et du risque, où l'on voit Paul Newman,
brutalement sorti par Robert Redfort du sommeil et d'une cuite, se mettre tout
habillé sous une douche… Ce n'est pas pour rien que cette scène m'avait tant
frappé au point de venir en séance, le 6 juillet, dans mes associations. D'un
côté cette désinvolture à l'égard des « objets », cette aisance, de
l'autre, de mon côté, cette peur constante d'abîmer, d'être coupable, d'être puni…
« Les contrebandiers de Monfleet » de Fritz Lang
Quand je revins pour me coucher, je m'en fus jeter un coup
d'œil sur le second film de « La dernière séance », avec l'idée d'y
rester cinq minutes. Il s'agissait d'un Fritz Lang que j'ai déjà vu, « Les
contrebandiers de Monfleet », et dans lequel un homme au double visage, de
Seigneur et de chef de bande, est finalement sauvé de lui-même par la confiance
absolue que lui fait un jeune enfant dont la Mère l'a confié à ses soins. De si
belles images, et de cet enfant notamment, que j'en regardai ce qui restait à
voir… Est-ce à cause de ce regard d'enfant que je me réveillai le lendemain,
hier donc, avec un appel à Dieu sur mes lèvres ?
« La Renarde » de Michael Powell
Mais je ne pus m'empêcher de penser, presque au réveil, à
ce film d'avant-hier, « La Renarde », où l'on voit un jeune pasteur,
quasiment châtré par sa Mère toujours présente, incapable d'abord d'aimer,
d'aimer vraiment, une femme que pourtant il chérit, et se réveiller ensuite de
son angélisme, oser alors affronter sa mère, au point de pouvoir accepter que
celle-ci le quitte, outrée de cette indépendance enfin conquise…
« Tarzan »
L'avant-veille, le Dimanche 20, j'avais été voir avec
Sylvestre le film de « Tarzan ». On y voit le départ en expédition
des parents du futur Tarzan, la naissance de leur fils, leur mort, l'adoption
de leur enfant par une guenon, sa croissance au milieu des singes, sa vie dans
la jungle, sa découverte par un ethnologue, son retour en Écosse dans l'immense
manoir de son grand-père, la question qu'il y pose aux conventions, son amour
pour une pupille de son ancêtre, puis sa résolution de repartir dans la jungle.
Ce film m'a passionné. Rapports du corps et de l'intelligence, des gestes et de
la parole, des instincts et des conventions : j'y ai vu tout cela, et bien
d'autres choses…
Deux scènes m'ont surtout frappé. Les mots manquent à
Tarzan quand il s'agit pour lui d'exprimer des choses importantes : il se
fait alors comprendre par des gestes, et des onomatopées… Ainsi gémit-il, quand
meurt son grand-père, en entourant sa tête de ses bras, en caressant ses
cheveux blancs, en se mettant tout contre lui, tout contre. Et il en fait de
même lorsqu'après avoir libéré de sa cage un grand singe capturé qu'il a
reconnu, et que celui-ci est abattu par la police, il s'indigne et gémit sur
son corps, le couvrant de caresses et criant : « Mais c'était mon père !
C'était mon père ! »
J'ai été profondément frappé par cette aisance du corps,
cette ampleur et cette liberté des gestes. Et j'ai senti, par contraste,
combien j'étais moi-même étriqué, comme si j'étais sans cesse à marcher dans un
étroit couloir, tellement étroit qu'il me faille à tout instant m'y faufiler,
sous peine de recevoir des décharges électriques si jamais je frôlais seulement
ses parois…
« L'homme qui aimait les femmes », de François Truffaut
Le soir même, je regarde en dinant « L'homme qui
aimait les femmes », de François Truffaut. Je suis saisi par la finesse de
ce film, par la composition de Charles Denner, par le désespoir que masque cet
acteur, par l'issue tragique au moment même où, peut-être, il pourrait en venir
à aimer « une » femme, une femme bien réelle.
« Zelig » de Woody Allen
Et ce n'est pas pour rien qu'à la fin de la séance je
parlerai du film de Woody Allen, « Zelig », que j'irai voir
d'ailleurs le soir même, tant je me suis senti concerné par l'histoire de cet
homme caméléon qui devient chaque fois semblable à ceux qu'il côtoie :
tellement, dans l'ignorance où il est de lui-même, il a besoin, pour être aimé,
de s'identifier aux autres.
« Cabaret » de Bob Fosse
J'ai vu plusieurs fois « Cabaret », ce film de
Bob Fosse qui décrit, dans le cadre de la montée du nazisme en Allemagne, et du
terre à terre des distractions sordides d'alors, l'amour impossible d'une
danseuse et d'un jeune homosexuel, et qui entremêle à ces tristesses, les unes
affreuses, les autres prenantes et belles, l'histoire de deux êtres qui s'aiment
aussi et dont l'amour semble également impossible : la jeune fille, juive,
se refuse à cause de sa race à un homme qu'elle aime, et celui-ci, qui cache
lui-même une judéité qu'elle ignore, n'ose pas, lui, s'avouer israélite. Et
puis il s'y décide. Et la fête de leurs épousailles, brève séquence dans un
film de tristesse, d'impossible, et de joie factices, est d'une rare beauté.
Lumière des visages, splendeur des chants, des rites, présence alors d'un
au-delà de l'homme… « Reste avec nous… ».
« L'Évangile selon Saint Matthieu » de Pier Paolo Pasolini
Peut-être certains d'entre vous, ici, ont-ils comme moi
veillé tard, il y aura, demain quinze jours, pour regarder sur FR3 le dernier
film du Dimanche soir : « L'Évangile
selon Saint Matthieu », de Pier Paolo Pasolini. Film austère, en noir
et blanc. Film accordé, par sa rigueur, à l'intention qu'on prête à ce grand
cinéaste d'avoir voulu faire passer, à travers le texte abrupt de cet évangile,
sa soif ardente de justice et de retournement des valeurs. Je m'étais à tort arrêté,
dans ma lecture hâtive de certaines critiques, à cet aspect quelque peu gauchi,
voire trop humainement révolutionnaire, imputable aux orientations de Pasolini…
Et puis non. C'est bien l'Évangile selon Saint Matthieu que j'ai vu. Son
âpreté, certes. Mais aussi son appel au cœur, au cœur de l'homme. Et surtout
Jésus, sa présence, intense, à ceux qui l'entourent, et cette zone de mystère
qui en fait quelqu'un dont l'extraordinaire « être là », justement,
s'origine dans un « ailleurs » qui fait corps avec lui, dans ce
regard vers un Père, un Père intérieur, qui le fonde dans l'être.
« J'ai épousé une ombre » de Robin Davis
« J'ai épousé
une ombre »… Ce titre d'un film, titre d'abord d'un roman de William
Irish, a tiré mes regards pendant plus de quinze jours il y a deux mois,
lorsque je débouchais sur le quai du Métro Trocadéro, direction Pont de Sèvres.
J'y pense au moment d'écrire de moi : « Je suis une ombre… » Et sans doute n'est-ce pas pour rien si
cette affiche est toujours là dans ma mémoire, présente, bien présente, avec le
beau visage de Nathalie Baye, énigmatique, et surtout peut-être ces paysages
Sud-ouest, ces vignes, ce ciel, qui ont si profondément marqué mon enfance et
dont j'ai la nostalgie. Et pourtant je n'y paraissais pas une ombre, alors,
lorsque je me saoulais de vélo, à perdre haleine, et que je régentais, aux
vacances, ma bande de jeunes voisins…
« Un dimanche à la campagne » par Bertrand Tavernier
Mais son nom (Azema), je l'avais vu – parmi d'autres, et si
je m'en souviens bien, pas tellement en relief – sur l'enchanteresse affiche de
ce film, contemplé pendant au moins trois semaines, à raison de trois fois par
semaine, sur le quai de la station de métro « Trocadéro », direction
Porte d'Auteuil. Cette image d’« Un dimanche à la campagne » n'a pas
du faire rêver que moi. Pas d'abord, en ce qui me concerne, à cause de la
nostalgie des toilettes d'autrefois. Non. Mais à cause de l'ambiance de bonheur
et de liberté. Des êtres, et de la nature.
« Fanny et Alexandre »
de Ingmar Bergman
Je suis donc allé voir « Fanny et Alexandre ». Quel bouleversement intérieur !
D'abord devant la première heure. Ce Noël, cette famille, les enfants, les lumières,
la joie, les coquineries, la tendresse, la beauté : quelle « matière première » ! Quelle
humanité ! Mais bouleversement surtout d'avoir vu la deuxième heure, et
l'évêque Vergerus : de m'être vu dans cet homme-là dont Jean Collet, dans
sa passionnante critique des « Études »,
fait très justement remarquer qu'il aime mal, affreusement mal mais qu'il aime…
Oh, ce regard, ces yeux, lorsqu'il veut à tout prix obtenir d'Alexandre un
aveu ! Non, je n'ai pas exercé semblable torture à l'égard d'autrui. Pas à
ce point du moins. Mais envers moi, si. Et ce suicide-là, ce suicide à petit
feu, comment n'aurait-il pas, sur ceux qu'on aime, des retombées de mort.
Comment le regard dur se chargerait-il de vraie bonté ?
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