Les textes de cette page sont tous extraits du livre "Questions autour de l'homme réel" de François Ader
Boris Pasternak
Quand Pasternak quitta l'Union Soviétique – raconte Louis
Guilloux dans une « Apostrophe » d'il y a deux ans, rediffusée ce
mois d'août– l'auteur de Jivago, de passage à Paris, y conclut une allocution
par ces mots : « Et maintenant,
camarades, il faut faire quelque chose pour rendre la vie plus légère… »
C'est à cette fin que j'ai fait part de mes lourdeurs. La culture de l'époque,
et le mystère de l'homme, en ont fait un poids de faute. Cette charge est
parfois du désespoir. Je travaille à l'alléger. C'est difficile.
Isaac Bashevis Singer
On demandait récemment au vieil écrivain yiddish Isaac
Bashevis Singer ce qu'il avait voulu dire en affirmant en 1978, dans son
discours d'acceptation du prix Nobel, que « la littérature peut apporter de nouveaux horizons et des perspectives
nouvelles ». Voici la réponse de cet homme de soixante-dix-huit ans à
la question : « dans quels
domaines ? »
« L'horizon est surtout celui des émotions. Elles
sont si importantes dans la vie humaine qu'elles ouvrent des perspectives
encore plus vastes que les idées. Tolstoï et Dostoïevski n'ont pas créé une
philosophie nouvelle mais exploré des espaces inconnus de l'émotion humaine.
Cela continue. Il y a cent ans, on n'aurait jamais osé écrire la sexualité
comme aujourd'hui. C'était idiot, car on ne peut pas décrire l'amour sans
sexualité. Dans Anna Karénine, Tolstoi laisse entendre que l'héroïne n'est pas
satisfaite sexuellement par son mari. Mais ce ne sont que des suggestions.
Aujourd'hui, l'écrivain peut dire pourquoi elle n'est pas épanouie, pourquoi
elle pense à un autre homme. Que la littérature se soit débarrassée de nombreux
tabous est, à mes yeux, une avancée aussi fondamentale que telle ou telle
découverte en psychologie ou en sociologie. Le véritable sujet de la
littérature est l'individualité de l'homme et ses émotions – ce qui est
pratiquement la même chose. »
Lech Valésa, syndicaliste
Prison,
donc : prison, prison. Prison pour Lech Valésa, prison pour ses conseillers,
prison pour tant et tant d'autres Polonais, prison pour les voïvodies
polonaises, coupées les unes des autres, prison pour la Pologne elle-même,
isolée brusquement du Monde, prison pour ces chrétiens chinois, tant éprouvés
déjà… Et moi, libre ici d'écrire sur ma prison, chauffé, nourri, disposant de
la radio, du téléphone, des journaux, libre de sortir, éventuellement de
voyager, d'aller voir en tout cas des amis. . Libre de mon corps, de mes
mouvements. Et disposant d'un espace – de confort et d'aisance – que me payent,
par leurs chaînes, ceux qui garantissent involontairement, à travers un partage
de l'Europe, la sécurité de voisins qui seraient autrement pour nous une
menace.
Pierre de Boisdeffre, diplomate écrivain
Au terme d'une adresse à Jean-Paul II, et après y avoir
exprimé des vœux concernant le respect des droits de l'homme dans l'Église, des
droits de la femme, de l'intimité conjugale, la question de l'œcuménisme, du
rôle des congrégations romaines, du rapprochement de la science et de la foi,
Pierre de Boisdeffre, l'auteur de la « Foi
des Anciens Jours », écrit dans « Choisir », la revue des jésuites suisses d'expression
française : « Formuler de tels
vœux – qui paraîtront scandaleux à certains, insuffisants à d'autres – ce n'est
pas dicter au Pape ses décisions, c'est demander au Père Universel de regarder
en face des problèmes qui ne sont pas seulement des problèmes d'Église, mais
des problèmes d'hommes »
Voir aussi : Religieux , Personnalités, Jésuites, Célébrités
Les textes de cette page sont tous extraits du livre "Questions autour de l'homme réel" de François Ader
Soljenitsyne
Hier au soir, j'ai regardé Soljenitsyne. Saisi par l'homme.
Par cet homme, là, maintenant, en exil, au travail dans le Vermont, à
soixante-cinq ans, après tant d'années derrière lui de guerre, de prison, de
cancer, de goulag, de persécution. Saisi par sa vitalité, par sa fraîcheur
d'âme. Par ce regard qui va si loin dans l'homme, dans l'histoire. Par ce
déploiement et par cet affinement. Par son affirmation de Dieu. Par cet
oratoire byzantin dans sa maison même. Par ce torrent de vie… J'ai prié
longuement ensuite. Plus au calme que d'habitude. Plus sûr. Et je me suis
demandé pourquoi toutes ces touches dans ma vie, tous ces frôlements d'ailes,
ne me portaient pas davantage. Comme si cette manne abondante, je la digérais
mal.
Raymond Aron
Je me souvins alors de ce que j'avais éprouvé très fort, il
y a six, jours, Vendredi dernier, pendant la rediffusion de l’« Apostrophe »
consacrée toute entière à Raymond Aron. Tout d'un coup, devant tant de
droiture, tant de lucidité, je ressentis une émotion profonde, « religieuse »,
d'admiration, et ma pensée, spontanément, s'en fut vers Jésus. Moment de
réconfort. De clarté plutôt. Comme l'entrée soudaine, fugitive, d'un « Sens »
qui éclaire le « Tout ».
Voir aussi : Religieux , Personnalités, Jésuites, Célébrités
Les textes de cette page sont tous extraits du livre "Questions autour de l'homme réel" de François Ader
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