Les textes de cette page sont tous extraits du livre "Questions autour de l'homme réel" de François Ader
Lily Herbert, psycho-sociologue
C'est dans la mouvance d'une psycho-sociologue de grande valeur,
également psychanalyste, Madame Lily Herbert, que je me suis formé, sur le tas,
pour cette tâche. Auprès de cette israélite agnostique, très attirée par les
évangiles, j'ai appris un souci d'extrême prudence dans l'approche des êtres.
Cette « discrétion » s'articulait chez elle sur une profonde bonté,
une bonté que j'ai sentie chez d'autres psycho-sociologues, et qui m'a conduit
à donner toujours une grande importance, avant tout séminaire, aux rencontres
préalables sans lesquelles il n'est pas possible, pour d'éventuels
participants, de peser leurs forces avant d'entreprendre.
Marcel Légaut, normalien, professeur
Marcel Légaut, « Introduction
à l'intelligence du passé et de l'avenir du christianisme ». Je
l'ouvris au hasard, et ce fut au milieu d'un chapitre sur « L'appel apostolique » où Marcel
Légaut – dont je n'ai jamais rien lu, même pas, en leur temps, les « Prières d'un croyant » – conteste
les vœux perpétuels de religion en montrant que cet engagement précoce et
définitif entrave chez beaucoup le déploiement en eux de l'humain, cet humain
qui donne sens, seul, au « souvenir
de Jésus », à cette vie et à cette mort confiées à l'humanité, comme
clarté dans l'ombre.
Emile Faguet, écrivain
Je travaillais certes. Je récoltais à la fin de chaque
année de nombreux prix, et toujours le prix de « Sagesse ». Mais c'étaient des prix de tâcheron, de bon élève,
d’« assujetti ». Je ne
m'indignai nullement, par exemple, de subir en Première, en guise de cours, et
toute l'année durant, la lecture d'Emile Faguet. J'étais trop « bon esprit »
pour contester un jésuite !
Max Frisch, écrivain
Le grand écrivain suisse Max Frisch, dans une interview
toute récente, raconte qu'il hésita beaucoup avant de publier une œuvre, « Montauk », où il cherchait à
conjurer une peur personnelle sur sa vie amoureuse. Ne pas publier ce livre
écrit très vite, c'était « préserver
des gens qui étaient impliqués dans (sa) vie… » Mais il ajoute :
« Si je ne l'avais pas publié, je
n'aurais pas pu surmonter certains blocages émotionnels. Un peu comme une
analyse… »
Mais dans mon cas, justement, une analyse, j'en fais une.
Et si j'ai le sentiment de l'avoir aidée par cette écriture, je me rends
compte, chaque jour davantage, qu'elle est bien plus importante – pour
moi-même, et pour d'autres aussi plus tard et dès maintenant – que tout ce que
je peux écrire.
« … Je crois aussi que la sincérité est
libératrice. Par exemple, sur le problème de l'avortement, on peut lire
d'excellentes choses. Mais ce que les gens n'ont pas l'habitude de lire, c'est
quelqu'un qui écrit : « J'ai soixante ans, je me souviens de cinq
avortements. Chaque fois ce fut pour moi un effroi, même quand c'était la chose
à faire. »
La littérature
contredit le discours de la classe dominante, elle représente le monde tel
qu'il est. Elle montre, par exemple, que ce n'est pas un bonheur de mourir pour
la patrie, mais une saleté. La noblesse de la littérature est simplement
d'exister, sans avoir à fournir une justification. La littérature qui doit se
justifier a perdu son éclat ».
Fritz Zorn mars, écrivain
J'ai lu dans « Mars »,
une phrase qui m'a beaucoup frappé… (Mars est l'autobiographie d'un homme mort
encore jeune d'un cancer au cou dans lequel il voyait, « diagnostic à résonance poétique »
dit-il, les « larmes rentrées »
qu'il n'avait pas pleurées sur lui-même). « J'ai employé, je crois, la plus grande part de mon énergie à maintenir
l'édifice de mon moi simulé, qui s'effritait ». J'aurais beaucoup à
dire sur le déploiement d'énergie défensive qui se solde de plus en plus par
une impression d'immense fatigue. Mais c'est la perception d'un effritement qui
me frappe le plus, et qui me rend ces jours-ci l'écriture difficile.
Fritz Zorn se décrit d'abord dans cette famille où tout,
dit-il, était prétexte à se masquer. Au nom du « correct », du « ridicule »,
du « compliqué », du
« pas comparable », du
« convenable », des « choses élevées », les
jaillissements de la vie n'avaient plus qu'a disparaître : à s'exiler.
« Notre devise, c'était :
surtout ne pas se mettre à découvert ». Zorn raconte longuement
comment la sexualité, tant qu'on put n'en pas parler, fut absente, et comme
ignorée, puis déclarée « ridicule »,
« ennuyeuse », et donc
écartée, lorsque sa croissance personnelle en imposa la réalité.
René Rémond, historien et politologue
« dans une société sécularisée où les valeurs
qu'elles professent n'ont plus cours officiel et où les représentations morales
qui ont si longtemps accompagné leur enseignement ne sont plus admises sans
conteste ». Ces mots-là sont d’Etienne Rémond et voici ce qu'il
ajoute :
« Pour le
secrétaire général de l'épiscopat, les Églises ont une mission propre, de
nature prophétique : à elles d'être les guetteurs de l'avenir, de créer un
espace libre et responsable aussi distinct des sociétés qui reposent sur la
force que de celles qui sont fondées sur la marchandise.».
Je souhaite cette « visibilité » plus grande. Je souhaite aussi cet « espace libre et responsable » dont
René Rémond résume les traits que : moins de répression, de bureaucratie,
de coercition, davantage de compassion, d'intimité, de participation, de
communication, et d'ouverture, avant tout, sur l'universel.
Gabriel Matzneff, écrivain
J'ai aimé ces lignes récentes de Gabriel Matzneff:
« L'homme à abattre, c'est l'écrivain qui affirme son
irréductible singularité, qui avoue ses incohérences ; et dont les livres
sont le miroir transfiguré de ses passions contradictoires. La plupart des gens
ont peur de l'incarnation. Que Dieu se soit fait chair trouble leur
tranquillité. La belle pécheresse qui arrose de parfum les pieds nus du Christ,
puis les essuie avec ses cheveux, les choque, les dérange. Ils veulent oublier
cette scène érotique et sacrée. Ils rêvent d'un Dieu abstrait, d'un Christ sans
pieds, d'une pécheresse sans cheveux et d'un Évangile sans parfum. »
Voir aussi : Religieux , Personnalités, Jésuites, Célébrités
Les textes de cette page sont tous extraits du livre "Questions autour de l'homme réel" de François Ader
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