Voir aussi : En famille, Le père, La mère, Les femmes, Les amies prostituées
Les textes de cette page sont tous extraits du livre "Questions autour de l'homme réel" de François Ader
Alice Ader, mère de François fait un shampoing a Françoise Ader sa belle fille.
Une artiste
Ma mère était une artiste, une pianiste d'une sensibilité
extrême, une croyante à la vie proprement mystique, une maman merveilleuse.
Culte de l’obéissance
Alice Ader pose parmi les gascons chasseurs amis de son mari |
Car c'était elle qui s'asservissait à mon père
Car c'était elle, d'abord, et délibérément, qui
s'asservissait à mon père, et y asservissait aussi, me semble-t-il, ses plus
jeunes enfants. Sans doute mon père, l'âge venant, nous supportait-il moins
bien. En tout cas je me rappelle combien ma mère, première servante de son
mari, nous incitait à ne pas le déranger, à ne pas l'agacer…
Une mère est tout
Une mère est tout pour l'enfant qui vient de naître. Mais
ce lien vital … j'ai dû le vivre avec une intensité fabuleuse, avec un appétit
féroce, dévastateur. C'est un tel gain d'avoir un être à soi ! Et quelle
mère, eût-elle déjà tant d'enfants, et si bien aimés tous, quelle mère aurait
pu n'être pas sensible à pareille attente, si vive, tellement avide, lorsque
les autres pouvaient paraître avoir d'elle un besoin moins immédiat. J'ai dû
faire en elle une demeure inébranlable, m'y installer, m'y fixer. Pour la
vie !
La danse
La danse
Mon frère raconte alors seulement l'anecdote que narrait
volontiers ma Mère à mes aînés, paraît-il, lorsqu'ils étaient encore jeunes.
Pendant une danse, au cours d'un bal, son danseur l'avait appelée « Mademoiselle ».
Elle avait alors vingt-cinq ans. Ma Mère ne corrigea pas l'expression. Mais
elle dit à ce Monsieur, la danse achevée : « La demoiselle avec qui
vous venez de danser est mariée, et mère de cinq enfants. » Et mon frère
de conclure par ces mots sa rapide évocation : « Je n'ai jamais vu
dans ses yeux qu'amour, tendresse et indulgence, car elle savait dominer ce
qu'en certaines circonstances sa vivacité naturelle pouvait lui inspirer de
sentiments d'une autre nature… »
J'accaparais leur mère, et son épouse à ce père
Et puis l'amour, par nature, n'est-il pas toujours
ambigu ? Comment n'aurais-je pas été, bien sûr inconsciemment, quelque peu
jalousé, et jaloux moi-même ? J'accaparais leur mère – « leur
mère » – à tous ces grands, et son épouse à ce père. Comment ne les aurais-je
pas vus parfois, tous ceux-là, comme des agresseurs ?
N'avais-je pas la meilleure part : ma Mère
Poliné la maison de famille |
J'ai reçu d'elle son amour pour Jésus
Nul doute qu'à travers la connivence qui me liait à ma
mère, j'aie reçu d'elle son amour pour Jésus, le sens qu'elle avait de sa «
personne », son goût pour les paroles d'amour des Évangiles – ces évangiles
dont elle avait toujours le texte dans son sac – et que, le moment venu de
concrétiser une orientation qui semble avoir été considérée comme toute
naturelle par mon entourage, tout le monde y trouvait son compte depuis que,
tout petit enfant, je jouais à la Messe et embauchais pour des processions cet
entourage complaisant.
Humainement il est perdu
Humainement il est perdu
Au cours d'une visite à mon frère aîné, malade, celui-ci
m'a raconté cette soirée vécue par notre Mère au plus fort moment de la
typhoïde de notre père – elle avait alors 27 ans et six enfants – lorsque le
médecin lui dit : « Humainement il est perdu… Il n'y a plus que la
prière », qu'elle s'en fut alors à l'Église Saint Thomas d'Aquin et qu'au
lendemain matin le médecin lui dit : « Vous avez du bien prier :
il est sauvé »…
« Indispensable » à ma Mère
Alice Ader et ses petits fils Denis et Jean |
Exister face a mon père à travers ma mère
Exister tel que je suis, en me respectant. Face à mon père
: … et face à ma mère. Ou plutôt face à mon père à travers ma mère. Car c'était
elle, d'abord, et délibérément, qui s'asservissait à mon père, et y
asservissait aussi, me semble-t-il, ses plus jeunes enfants. Sans doute mon
père, l'âge venant, nous supportait-il moins bien. En tout cas je me rappelle
combien ma mère, première servante de son mari, nous incitait à ne pas le
déranger, à ne pas l'agacer…
Aimer
Ces jésuites de mon Collège, image collective à mes yeux
d'un certain refus des instincts, et des besoins, je les ai aimés, profondément
aimés, et ce n'était pas sans raison. Quant à ma mère, si je me devais de dire
ce qu'il y eut à mes yeux d'inconsciemment irrespectueux, et d'ambigu sans
doute, dans son désir trop ardent d'un fils prêtre, c'est à ma connivence avec
elle, je le sais, que je dois de pouvoir « sentir », éprouver, aimer.
Et d'être prêtre.
Partir
VERS MIDI, le mercredi 16 Janvier 1945, nous sommes avec
papa sous les grands ifs du cimetière d'Auch. Devant nous les coteaux, et, plus
loin, cachées ce jour-là, ces Pyrénées que Maman aimait tant.....
Les jeunes filles de Pavie, si souvent entendues,
les dimanches, à l'église, ou les jours de grande fête, au Cédon, viennent de chanter
pour Maman « ln Paradisum »... Les gens du village nous ont dit et de
quel cœur, leur grande tristesse... Et, de pavie à Auch, avec le corps de Maman,
nous avons refait cette route qui était sienne...
L'archiprêtre de la cathédrale achève maintenant les prières
de l'ensevelissement. Papa est un peu devant nous. Quand tout est fini, il
a, ce cher Papa, un geste qui est tout lui, un petit adieu de la main comme un « au
revoir » familier, charge d’amour et de gratitude...
Dans ce geste de Papa, devant cette tombe ornée de
couronnes aux noms de tous les petits-enfants de Papa et de Maman, c'est toute la famille
qui est, une fois encore « rassemblée », et toute cette lignée aussi,
qu'a entrevue Maman d'un regard prophétique...
J'ai dans les mains son Missel. Une petite feuille dépasse.
Elle est là pour marquer un texte liturgique qui lui est très cher, un « Offertoire »,
qui résume sa vie :
Seigneur
mon Dieu, je vous ai offert toutes ces choses avec joie dans la simplicité de
mon cœur, et je me suis réjoui de voir tout ce peuple assemblé ; ô Dieu d’Israël,
conservez-nous cette bonne volonté. Alléluia !
Souvenir
pour eux, François Ader, 1948,
Voir aussi : En famille, Le père, La mère, Les femmes, Les amies prostituées
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