samedi 14 juillet 2012

Le père


Les textes de cette page sont tous extraits du livre "Questions autour de l'homme réel" de François Ader

Mon père, un bon despote

Mon père était un despote, certes, comme beaucoup de gascons, mais un homme bon, vraiment bon, et surtout un passionné de la vie, professionnel actif, heureux dans son travail, d'une grande indépendance d'esprit, dont les convictions « dreyfusardes » avaient failli compromettre, en 1898, son mariage avec ma mère… Où donc allait se nicher leur culte de l'obéissance ?

Le culte de l’obéissance

Il y avait en effet chez mon père un culte pour l'obéissance. … Chez mon père, dans un légalisme juridique qui ne lui faisait accepter aucune transaction – ce qui lui valut des animosités – et que soutenait une droiture absolument parfaite dont j'aime la rigueur, …
Jean Ader et son épouse Alice Guérin

Je n'eus pas de père pour moi

Mon père … était au plus haut point, à un point excessif, un homme de devoir, de droiture, d'intransigeance même. Je n'eus pas de père pour moi, je fus en quelque sorte un cadeau pour ma mère. Mon père, après s'être très activement occupé des quatre ainés, paraît-il, s'en remit en quelque sorte à sa femme des deux autres, et plus encore du septième. « Mes enfants » disait-il, en souriant quand même, des quatre premiers ! Et « tes enfants », en regardant ma mère, quand il s'agissait des trois autres… l'affabulation traduit bien ce que fut – pour moi – ce « père absent ». Ce père qui suscitait en moi la terreur. Que j'adorais pourtant.

Le petit groom

Jean Ader avec Jean Ader fils de son fils Maurice
Le petit. Le groom ? « Fais-moi ci », « Vas me chercher ça »… Pourquoi pas ? Un jour pourtant – c'était à la campagne et dans la salle à manger : je m'y revois – je « râlai ». Oh, timidement… « Fiche nous la paix », me dit alors mon père avec violence. Mon père dont je ne doute pas qu'il m'ait aimé, profondément aimé, mais que je devais agacer, je me l'imagine du moins, par ce qu'il y avait en moi de passif et d'absent… Et il ajouta : « Les petits derniers sont faits pour que les grands se fassent la main sur eux… » Propos de colère. Mais les mots sont les mots. Ainsi donc, je n'avais pas de sens en moi-même ?

Ainsi naquit l’enfant soumis

Pourquoi ce désintérêt de mon père, dont cinquante années me séparaient, … et dont j'avais, tout jeune, une sorte de terreur ? Peu importe. J'ai tant reçu d'eux par ailleurs, et d'abord la Vie ! Ce que je veux ici faire entrevoir, c'est qu'alors se forgea ma pente à « l'adhésion » quoi qu'il en coûte – car il ne fallait surtout pas perdre l'amour de ceux qui m'entouraient : c'étaient « eux » « mon » existence – et qu'ainsi naquit l'enfant « soumis » qui tente aujourd'hui tant bien que mal de « vivre », non pas rebelle, mais autonome.

Déceler le père sous le despote

Nous avons dû nous épier l'un l'autre, moi cherchant à déceler le père sous le despote, lui se demandant sans doute ce qu'allait devenir ce petit dernier, trop caché derrière sa mère, et dont il disait : « Je me fais l'effet d'une poule qui a couvé un canard… ». … Je trouve pathétique cette situation du rêve. Elle m'émeut en tout cas profondément. Lui me parle comme à un égal, il me fait une confidence importante. Il ne sait pas qu'il parle à son fils. Moi seul le sais, et je suis bouleversé de sa vérité. J'aimerais tant, tant, qu'il sache que je me sens de plus en plus près de lui. Et de ce désir qu'il avait, symbolique à mes yeux, que je sois médecin… 



Jean Ader avec sa belle fille Françoise, puis lors des vendanges a Poliné
Les textes de cette page sont tous extraits du livre "Questions autour de l'homme réel" de François Ader

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire