Voir aussi :La Compagnie de Jésus, Des sacrements, Vie religieuse
Les textes de cette page sont tous extraits du livre "Questions autour de l'homme réel" de François Ader
Célébration
Oui, l'Amour a vraiment éclairé pour moi ces jours, et
c'est là mon plus profond bonheur. Encore qu'il n'aille pas sans une frange
toujours là d'incertitude. J'avais envisagé, pour la Semaine Sainte, de
participer à l'Office du Jeudi. Et puis non, c'était vraiment au-dessus de mes
forces. Alors, le Vendredi, avant de prendre un brin de nourriture, j'ai lu la
moitié du « Discours après la Cène »,
puis j'ai célébré lentement, lentement, la fraction du pain. Ce fut un moment
de grand bonheur, et d'intense émotion. « Larmes », pourrais-je dire, avec vérité, comme le fait Ignace
dans son « Journal Spirituel ».
Mais l'expérience était celle, pour lui, d'une célébration quotidienne, et ce
n'est pour moi qu'une reprise, bien timide encore, et faite à chaque fois de
perceptions certaines que suivent, après coup, des points
d'interrogation : de nombreux points d'interrogation.
La messe
Je ne peux pas oublier alors ces Messes auxquelles
j'assiste, où je prie bien sûr, mais où j'entends des lectures souvent
incompréhensibles, des textes désuets, où je vois des laïcs prendre le relais
des clercs pour dire les mêmes choses qu'eux, pour exprimer les mêmes propos
édifiants, les mêmes vœux désincarnés, les mêmes résolutions généreuses…
Messe de Noël
J'ai été heureux – oui, profondément heureux – de vivre
Noël avec ces enfants, ces hommes et ces femmes. Heureux de cette foule en
prière, et contente. Heureux de faire, avec toute l'intensité dont je suis
capable, les gestes de Jésus, et de les accomplir avec le maximum de
recueillement. Heureux de donner la communion à tous ces enfants – et notamment
à l'un d'eux, tout petit, qui vint comme les autres chercher l'hostie et dut
faire alors, à l'improviste, sa première communion ! – et puis à cette
foule. Heureux de célébrer avec des familiers que j'aime. Heureux de
privilégier la prière, le silence. Heureux de chanter aussi. Et puis heureux de
répondre aux questions de ces enfants, de dire là que Dieu nous aime, de parler
de Jésus fait homme, et d'attirer l'attention de tous sur eux-mêmes, sur leur
vie, sur leur importance, sur le respect qu'ils se doivent puisque justement
Dieu s'est fait homme… Heureux : oui, heureux. Et pourtant, avant, ensuite
– et pendant ! – angoissé, terriblement angoissé.
Peut importe le prélude
Non, l'unité de l'Église ne tient pas au fait qu'il y ait
immuablement l'accueil, l'aveu, le chant d'entrée, l'appel à la pitié de Dieu,
le chant de gloire, la prière, la première lecture, un psaume, la deuxième
lecture, l'alléluia, l'évangile, l'homélie, la prière universelle, l'offrande
du pain et du vin, la prière, la préface, le trois fois saint, etc… Et je n'en
suis qu'à la moitié ! À la moitié de cette accumulation d'actes successifs
qui ne sont que des préludes ! Non, l'unité de l'Église – l'unité du genre
humain, de la famille humaine – elle est le désir même de ceux qui veulent pour
eux, et pour l'humanité, de ce corps et de ce sang, et peu importe le prélude,
peu importe ce qui fait grandir ce désir, pourvu que ce désir-là s'amplifie
Première communion
Serait-ce toujours, alors, un problème de
« formes » ? J'ai eu de ce point de vue, voilà trois jours, deux
conversations très instructives. Une fois encore à l'occasion de ces
circonstances qui ont pour moi tant de prix parce que j'y baigne alors davantage
dans le mystère divin des êtres et de ma famille – la première communion d'une
petite nièce – bien que cela me provoque toujours à me demander si c'est
vraiment respecter les enfants que de les acheminer vers Jésus à travers ces
formes où la sagesse, l'encadrement, la docilité, jouent un tel rôle. Ces
parents sagement en rangs dans les bancs, dociles eux aussi, du moins là, les
flashs répétés, Dieu bien encadré. Lui aussi… Enfin, bon.
Une autre messe de Noël
« Qu'attendons-nous
en ce Noël ? » – « Des
cadeaux ! » Ce cri de fraîcheur, jailli d'une exquise petite
fille, agit alors comme un charme : oui, tous, selon nos âges, nous
attendions pour nos vies des « cadeaux ». Mais lesquels ?
« Qu'attendions-nous encore ? »
– « Un peu moins d'anxiété pour
notre Monde », dit un homme du pays d'une voix grave, posée, très
intérieure… « Qu'attendons-nous
encore ? » – « Du
réconfort pour ceux qui souffrent… » : ce fut dit de façon très
simple, et je savais ce qu'il y avait derrière ces mots… « Des cadeaux, moins d'anxiété, du réconfort » :
trois attentes qui me paraissaient humaines, proches, toutes proches de ceux et
de celles qui les avaient formulées. Rien d’« édifiant », d'ampoulé,
du vrai, de l'homme : du désir. Alors, là-dessus, nous avons prié, nous
avons chanté, nous nous sommes tus. Prié pour nous. Prié pour la communauté des
hommes. Prié pour la Pologne.
Onction extrême, mystère d’une famille
C'est surtout qu'il y eut là certains de ses enfants, de
ses petits enfants, et arrière petits enfants, qui dissipa ma raideur. C'est de
ce mystère d'une famille que je dis un mot avant que nous ne priions ensemble
et que je ne fasse, aussi solennellement que possible, l'onction sur le front.
Oui, mystère, grand mystère, d'une famille. De ces liens qui si souvent nous
enchaînent, ou par lesquels nous nous lions nous-mêmes, mais sans lesquels il
n'y aurait pas la vie, pas de vie, et tous ces souvenirs, aussi, de bonheur.
J'étais heureux, maintenant, d'être avec cette famille, avec ces humains dont
je connais un peu les vies. Je m'en rendais compte une fois de plus, c'est
lorsque je plonge au cœur du Monde, dans l'océan de l'Univers et des humains,
au plus près de ce qu'ils sont l'un et les autres, qu'un « sens »
m'apparaît possible, un sens, une Présence, un Dieu, et que j'accepte alors,
sans décalage, d'être serviteur de cette Vie.
Les formes religieuses
Mais peut-être est-ce que je me trompe sur « les
formes », ou du moins sur l'importance que je leur accorde. Peut-être ne
peuvent-elles être qu'inadéquates. Peut-être n'est-ce qu'à travers les hommes,
à travers les personnes – à travers l'expérience – que peut se faire connaître,
et se découvrir, le plaisir que Dieu donne. Peut-être a-t-il raison ce confrère
dont j'ai déjà parlé – cet homme heureux de sa communauté « mixte » –
et qui, quasiment insensible aux problèmes de vie religieuse dont je tentais de
lui parler, m'a dit avec sérénité, parlant de son travail dans des
groupes : « Moi je travaille à
reconstruire les personnes… » Peut-être. Peut-être… Mais si des formes
se perpétuent qui contribuent à les détruire d'abord ?
Mariages, engagements, séparations
Il faut revoir le regard sur « l'engagement ».
Tant que seront considérés comme fautifs, comme coupables, ceux dont l'union
culbute un jour, on continuera de charger l'engagement d'un poids d'absolu qui
ne va pas dans le sens de la vérité des histoires humaines. Gigantesque
immaturité de nos cœurs, fragiles, et rétrécis. Ce ne sont pas les lois, les
règles, les obligations, pas non plus la prière, qui y peuvent quelque chose.
Il y faudrait de quoi les faire grandir, ces cœurs. La vie seule y peut quelque
chose. La réalité. L'expérience. Les faux pas. Les échecs. Et puis alors les nouveaux
départs. Les renaissances.
Pourquoi ces formes étriquées
Alors pourquoi ces formes étriquées, ces textes, ou plutôt
ces bribes de textes, si souvent incompréhensibles, ce culte dans l'édifice,
ces appels au respect d'une Toute-puissance, pourquoi ces sentiments épurés,
désincarnés, dans beaucoup de ces « oraisons »
dont je me demande qui donc peut vraiment les faire siennes, en toute
franchise, sans se sentir comme soustrait à lui-même, à son être réel, et
dépossédé de ce qui le fait « lui » sur cette Terre, là, maintenant,
dans sa réalité ? Oui, pourquoi tout cela que Jésus-Christ, justement, a
balayé, comme il a balayé le Temple, en ne nous laissant pour signe qu'un
repas, un repas pour de bon, et sa personne seulement pour Temple, le Fils de
l'Homme aux dimensions de l'Univers ?
Voir aussi :La Compagnie de Jésus, Des sacrements, Vie religieuse
Les textes de cette page sont tous extraits du livre "Questions autour de l'homme réel" de François Ader
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire