Voir aussi : Formation, Revue P&M, Ecriture, Liberté, Psychanalyse
Les textes de cette page sont tous extraits du livre "Questions autour de l'homme réel" de François Ader
Ecriture, Une idée par paragraphe, pas plus
De ce carcan qui me cadenasse, je vois un signe, dont j'ai
déjà fait mention, dans mon type d'écriture. Certes, il s'est assoupli. Oh
combien ! C'est la première fois, sur si longue durée, que je me permets un
« premier jet ». Mais mon lecteur, si j'en ai, aura remarqué
l'égalité de mes paragraphes. C'est une hantise, obsessionnelle, à laquelle je
n'échappe pas encore. Trace, trace puissante, d'une formation de rigueur.
Besoin de logique… « Une idée par
paragraphe, pas plus. Annoncée. Puis redite. Et si possible, entre temps, un
exemple pour l'illustrer ! » Besoin, toujours, de serrer, de
cerner, ma pensée : mots révélateurs, mots de combat, mots de siège. Je
comprends qu'il me faille la danse – la danse d'autrui ! – pour échapper,
provisoirement, à ces pesanteurs…
Ce qu’il coûte aux humains
Non : je n'aurais pas écrit ces pages, je n'en aurais
pas eu l'outrecuidance, si je n'avais la conscience d'œuvrer, a ma manière,
pour qu'il y ait une plus juste estime de ce qu'il en coûte aux humains,
parfois, de se faire à ce monde, quels que soient ses charmes évidents.
Ma note. Ma note à moi. Faute, moi-même, d'avoir engendré.
Ce pèlerinage, je le refais maintenant, en ce 25 juin où
j'écris ces lignes, neuf mois juste après avoir commencé la rédaction de ces
pages : le temps d'un enfantement. Oui, je me relie à tous ces ouvriers
agricoles de ma souche, à leurs ancêtres, aux ancêtres de leurs ancêtres, et
puis à la famille humaine, toute entière, dont je suis le fils tout autant que
de mes parents, et qui veut s'accomplir en chaque créature, « selon son espèce » comme dit la
Genèse, et pour qu'elle soit féconde. Je fais mienne toute cette geste, je fais
mien tout cet orchestre, avec l'espoir, l'espoir acharné, de pouvoir, à mon
tour, y jouer ma partition. Ma note. Ma note à moi. Faute, moi-même, d'avoir
engendré.
Retirer les choses de ma tête
A l'un des réveils, au début de mon séjour, une petite
fille de cinq ans me parlait d'abondance… « Elle est très bavarde le matin »,
me dit alors sa mère. « Mais j'ai tellement de choses que je veux les
retirer », répliqua la jeune personne… « Les retirer d'où ? » – « De
ma tête ! Alors, je les dis… » Et comme un peu plus tard, après une
promenade avec elle, je disais à cette gamine, précoce psychologue : « Alors,
comme ça, tu as des choses à retirer… » – « Oui, me répondit mon
interlocutrice, mais je ne les retire pas toutes parce qu'alors je n'en aurai
plus… »
Emploi du temps
En mettant les choses au mieux, compte tenu des six heures
que me prennent chaque semaine les séantes d'analyse, compte aussi tenu des
heures de courses, de cuisine, de vaisselle, de ménage, et de mon besoin
physique de marche à pied, je peux écrire en moyenne trois heures par jour, au
grand maximum… Mais à condition d'exclure toute autre occupation.
J'écris pour survivre.
J'écris, je crois, pour exorciser ce juge en moi tellement
impitoyable. Ces pressions auxquelles je veux me soustraire, ce sont ses
incessants arrêts. Incessants ! … J'écris pour arriver à me rejoindre.
Pour que l'amour l'emporte en moi sur la haine, et fasse siennes les forces
intenses qu'elle véhicule. Pour m'apaiser. Pour être bon. Pour qu'enfin j'ouvre
la porte à ma matière première : à toute ma « matière première ».
Pour être réel.
J'écris pour survivre.
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Les textes de cette page sont tous extraits du livre "Questions autour de l'homme réel" de François Ader
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