jeudi 12 avril 2012

Les joies

Voir aussi : Les peursLes joiesOserLe cinéma
Les textes de cette page sont tous extraits du livre "Questions autour de l'homme réel" de François Ader

La danse, … et toute une plénitude jaillit de ce déploiement

Il m'a semblé peut-être en percevoir une cause en me rappelant à quel point, devant un spectacle de danse, tout mon être se dilate. Qu'il s'agisse de ballets, de danses folkloriques, ou de ces danses à claquettes dont je raffole, c'est comme si s'écartaient alors les chacones qui m'enserrent. Je m'identifie au danseur, à la danseuse, je m'envole, je virevolte, je saute, mes bras, mes jambes, mon buste, si raides d'habitude, deviennent souples, aériens, et toute une plénitude jaillit de ce déploiement, et m'envahit.

Je me sens je me sais en connivence …

Je me sens, je me sais, en connivence avec ce grand mystère de la vie, de la germination des choses qui se célèbre à la table de Jésus, et qui se vit à l'intime des êtres : ce mystère du déploiement de l'homme et de l'univers. Je me sens, je me sais, empêtré dans le tissu de mes peurs, et si fort prisonnier de ses fils qu'immense, et puissante, et revendicative est en moi la soif de liberté, et que toute cette force, requise encore par la délivrance de mes chaînes, n'en est toujours pas à fonder en moi l'homme libre, vraiment libre. Je me sens, je me sais, freiné par des formes, ou plutôt par l'importance excessive que j'attache à des plis culturels, puissants certes, mais épisodiques, transitoires, et sans droit réel sur mon être.

J'ai toujours aimé marcher. Le devrais-je à mes parents ?

J'ai toujours aimé marcher, randonner. Le devrais-je à mes parents ? … Je les revois surtout en Gascogne, chapeau de paille et panama, côte à côte en haut des vignes, après le grand tour qui les conduisait aux pins, chaque jour, et jusqu'à ce tournant d'où l'on voit surgir, à l'approche des pluies, la crête de nos montagnes. Et puis bien sûr dans ces Pyrénées, comme sur les pentes du Viscos, lorsque nous y fûmes tous les trois ensemble et que mon père – il avait alors mon âge et moi quinze ans – ne parvint au refuge qu'en s'accrochant, la dernière demi-heure, à la queue d'un mulet…

J'aime, et je sais, marcher

Mais j'avais alors un but, des buts : l'étape du soir, la ville à rejoindre. Une certitude aussi : j'aime, et je sais, marcher. Et puis j'étais libre ! Libre de marcher à ma guise, de choisir mes haltes. Libre, libre, libre : LIBRE ! Libre dans ces espaces, libre à travers champs. Libre symboliquement du coup. Libre aussi de changer aux besoins d'itinéraire. Et c'est parfois nécessaire. Il n'y a pas de « clôtures » qu'en Sologne seulement. Et l'on n'est pas obligé de choisir les impasses, ou les lieux clos…

Le théâtre ce monde du merveilleux qui délivre l'imaginaire

Il y avait tout. Le talent de chansonnier, les dons de mise en scène, les ballets, l'invention poétique. Je retrouvais là les joies de mon enfance, en famille : la musique, la fantaisie, l'opérette. Comment cet homme marié, père de famille, professeur de lettres, qui consacrait à sa classe tant de forces, tant d'imagination, trouvait-il le temps de créer ces revues, de monter ces spectacles ? La rigueur s'effaçait alors devant le rêve, la drôlerie, l'exubérance.

Théâtre au collège

L'extraordinaire animateur que je vais cette fois nommer, Monsieur Paul Dutronc, l'oncle du comédien, y conduisait avec verve, avec feu, avec esprit, des « revues » ensorcelantes de fantaisie. Ces revues qui exorcisaient un instant les effets de mon étreinte intérieure – de mon décor intime – et qui reléguaient au loin, bien loin, ce désespérant « R.0 », « Règlement Ordinaire », décor habituel de nos éphémérides.

Photos d’objets chers

Et je me suis alors rappelé cette photographie que j'avais prise, en gros plan, d'une Bible que m'avait offerte U., voilà presque trente ans, et sur laquelle j'avais placé une autre photographie, de ces trois êtres chers, et mis le Crucifix qui me fut remis à Laval le jour de mes premiers vœux, cela fera quarante-huit ans le 10 octobre prochain… Un Crucifix que ma Mère eût avec elle durant ses derniers jours et dont elle dit avant sa mort : « Ne le mettez pas dans mon cercueil. Il est à François. Pensez à le lui remettre… »




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Les textes de cette page sont tous extraits du livre "Questions autour de l'homme réel" de François Ader


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